De rencontres en réflexions ...
Souvent défaitiste , souvent optimiste, incessamment nostalgique, incessamment euphorique, ni l’un, ni l’autre, les deux à la fois. Je suis un soleil, je suis une lune.
Dans mon esprit se côtoient les fantômes du passé et les fantasmes du futur. Ils luttent, se bousculent, lesquels emporteront la bataille ?
Je suis partagée entre ombre et lumière , lunaire et solaire à la fois , je ne me définis pas.
Hier soir, quand les yeux de mon fils étaient tout embués de fatigue, avant qu’il ne s’endorme, je lui ai susurré au creux de l’oreille : « J’ai de la chance d’avoir un petit garçon comme toi. »
Il s’est retourné, m’a embrassé sur la joue et a répondu : « Toi aussi je t’aime maman.»
« Toi aussi, je t’aime. »
Qu’un enfant encore trop jeune pour construire parfaitement ses phrases puise avoir une telle compréhension de ce qu’est l’amour . Cela m’a émerveillée, impressionnée.
Qu’est ce qui a bien pu nous arriver à nous adulte, pour que nous perdions cette finesse d’analyse dans nos relations à l’autre ?
Encore ce matin, alors qu’il était contrarié et un poil tristounet, je l’ai rassuré : « Tu un petit garçon merveilleux : intelligent, gentil, curieux de tout … »
Je n’ai pas eu le temps de terminer cette phrase qu’il m’a serré dans ses bras en me disant : « Toi aussi je t’aime maman »
A l’aube de ses trois ans, cette petite personne a compris qu’un geste, un compliment, une parole réconfortante valaient déclaration d’amour.
A l’aube de ses trois ans, ce petit être a compris qu’il existait bien des façons de dire « Je t’aime ».
Un chemisier à fleurs, une jupe madras usée relevée sur des genoux gonflés par quelques rhumatismes, un maré-tèt voilant sa chevelure blanc gris : voilà comment elle m’est apparue.
Vêtements, visage et corps abîmés par les années.
Je me baignais tranquillement dans une crique de pêcheur avec mon petit garçon. Elle était venue rafraîchir ses jambes douloureuses. Je lui ai dit bonjour et c’est elle qui a engagé la conversation. S’agissait-il de mon seul enfant ? Habitais-je Saint-François ?
Elle, elle avait eu cinq enfants.
Presque machinalement je lui ai dit : « Cinq enfants ? Félicitations vous avez bien travaillé ! »
Et là, simplement, avec douceur, elle m’a fait comprendre qu’elle n’avait pas eu le choix.
« A l’époque pas de contraception, pas d’avortement, alors quand ça arrivait, ça arrivait. Heureusement, les choses ont changé pour les femmes d’aujourd’hui. Elles peuvent prendre la pilule, avorter … Et puis, quand le mari avait envie, il fallait le faire, sinon il se mettait très en colère. »
Tristement révoltant mais vrai.
Je l’écoutais pleine de cette compassion que seules les femmes peuvent avoir entre elles. Nous, femmes, savons que notre liberté ne tient qu’à un fil. Son histoire aurait pu être mon histoire. Son histoire est encore celle de bien trop de femmes.
Toujours avec beaucoup de douceur elle a continué :
« Vous savez, à l’époque vos parents vous forçaient à vous marier avec le premier qui demandait votre main. Même si vous ne l’aimiez pas, même si avant ça vous ne lui vouliez même pas lui parler parce qu’il ne vous intéressait pas…
Vous étiez peut-être amoureuse d’un autre qui ne s’est pas décidé assez vite pour demander votre main à vos parents…
Et puis, si une fois mariée vous alliez vous plaindre à votre maman que votre mari vous maltraitait, elle vous répondait que c’était à vous de faire attention, de ne pas mettre votre mari en colère. Vous savez, c’était comme ça avant. Maintenant les femmes peuvent choisir de se marier ou non»
Un discours impersonnel, mais c’est bien d’elle dont elle parlait. De cette jeune fille de 16 ans amoureuse, pleine d’espoir, offerte, mariée de force à un homme qui n’avait aucune considération pour ses sentiments à elle. Il avait décidé qu’elle serait à lui. Et ses parents n’y voyaient rien à redire.
Elle m’explique qu’elle n’a jamais pu quitter Saint-François de sa vie. Elle n’ avait le droit de sortir de chez elle que pour aller faire les courses ou aller à l’église. Point.
Quand son mari est mort, elle est restée seule. Ses fils avaient décidé qu’elle n’aurait pas d’autre homme dans sa vie. Alors, elle a fait ce qu’on avait attendu d’elle toute sa vie : elle a obéi.
Restée seule sans jamais avoir quitté Saint-François, sans jamais se plaindre, elle prie Dieu, lit sa Bible. Et tous les matins elle baigne ses jambes douloureuses à la mer. Probablement lourdes du poids des années et des regrets.
Ce qui m’a le plus touchée chez cette dame, c'est sa douceur et sa gentillesse. Une vie de soumission aux hommes et à la famille, des viols conjugaux, la perte de l’amour de sa vie et pourtant…
Et pourtant cette gratitude envers la vie qui permet aujourd’hui aux femmes de vivre plus libres. Ses prières exaucées ? Je comprends mieux sa paix intérieure. Sa seule fille vit à Paris et elle, elle a pu choisir son mari. Une victoire par procuration.
Repenser ainsi à elle, écrire ainsi son histoire me fait monter les larmes. Je pleurs sur son terrible destin. Je verse les larmes qu’elle ne s’est probablement jamais autorisée à verser. Je pousse le cri de colère qu’elle a dû étouffer toute sa jeunesse et je pleurs de gratitude envers la vie qui a préservé sa bonté malgré la violence de son histoire.
Juillet 2021
Les nombreuses fresques murales qui ornent les rues de Pointe-A-Pitre donnent une atmosphère extraordinaire à cette ville!
Hier, en déambulant dans ses rues, je me suis arrêtée sur cette œuvre monumentale, juste à côté du marché aux poissons.
Avoir les explications de l'artiste sur cette œuvre nous en apprendrait beaucoup. Je préfère toutefois laisser planer le doute sur ce qu'elle représente afin d'en imaginer mon propre récit.
En plein cœur de Pointe-A-Pitre, la nature reprend régulièrement ses droits.
Quelle incroyable vision que cette bâtisse transformée en œuvre végétale fantasmagorique.
Que vous inspire cette vision image ?
Une ode à la végétation? Un avertissement de la nature qui compte reprendre ses droits ?
D’ordinaire, depuis mon balcon, je me délecte de somptueux couchers de soleil colorés et flamboyants qui habillent chaque soir la mer des Caraïbes.
Ces jours-ci, c’est un paysage lunaire et oppressant qui nous entoure.
La brume de sable qui envahi notre atmosphère brouille l’horizon.
Cet horizon habituellement source de rêves et de désirs d’aventures devient flou, inquiétant …
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